Des morts amusantes et des corps à croquer. [ Pv ; Harley & Catwoman ]

La journée avait mieux commencé pour Selina Kyle, et plus particulièrement depuis la nouvelle d'une exposition de bijoux en préparation à Gotham. Ce type d'évènement avait toujours suscité l'intérêt et l'envie de Catwoman, car enfin on lui proposait des étalages inédits, des objets que l'on ne voyait pas dans toutes les bijouteries du coin, des petites merveilles éphémères qui n'attendaient que les porte-monnaies bien remplis pour être libérés de leur prison de verre sécurisée. Comment réfréner une folle envie de joyaux, celle qui fait pétiller les yeux de toutes les femmes, si sensibles à ces menus plaisirs de valeur ? Après avoir nourri sa Miss Kitty et enfilé son costume, la jeune femme s'enveloppa dans un long manteau pour ne pas être remarquée et partit en voiture jusqu'à l'entrepôt où était conservé l'ensemble de l'exposition, d'ici sa mise en place et son ouverture officielle au public. Une fois garée à une distance raisonnable, elle peigna correctement ses cheveux blonds afin de les tenir bien en place sous son masque de chat, se sépara de sa veste et se rendit sur la scène de son prochain coup. Mais elle ne s'était pas préparée à accueillir un invité de renom, tout de noir vêtu et incroyablement lève-tôt pour un être nocturne...

Ce fourbe de Batman l'avait sagement attendu sur place, dissimulé dans l'ombre et déterminé à mettre la main sur la chasseuse de bijoux, en la trompant sur la qualité de ceux qu'elle était venue chercher. Aussi Catwoman ne tarda pas à se rendre compte que tous les pendentifs, tous les bracelets, toutes les breloques ayant de près ou de loin un rapport avec les chats, avaient été remplacés par des babioles de plastique et sans aucune valeur marchande. Cette mauvaise blague fut suivie d'un véritable jeu du chat et de la souris dans tout l'entrepôt. Résignée à l'idée de ne pouvoir s'accaparer un quelconque objet de luxe de forme féline, la criminelle asséna un coup de fouet au visage du héros et profita de ce court moment de répit pour s'emparer d'une parure somptueuse et véritable cette fois, et prit ensuite la poudre d'escampette sur les toits de quelques habitations, où la poursuite continua. Décidément, cette chauve-souris se faisait toujours plus collante, de jour comme de nuit. Mais l'agile félin trouva l'occasion de se débarrasser de lui sur les échafaudages d'un chantier en cours : si son poids plume avait permis à la jeune femme d'atterrir sans encombres sur les différentes poutres et bâches tendues, celui du chevalier noir en revanche avait eu raison de lui, après un saut fatal sur une installation trop fragile pour supporter sa masse et surtout celle de son armure. Voilà ce qu'il en coûte de se payer des abdos renforcés et des protections à l'excès ! Catwoman aurait aimé faire une pause pour se moquer de la chauve-souris lamentablement affalée dans la poussière et les débris, mais elle devait fuir au plus vite avant qu'il ne se remette à la pourchasser.

Bien qu'endurante, la jeune femme était littéralement à bout de souffle. Comme il lui semblait avoir mis suffisamment de distance, elle se permit de ralentir un peu la cadence, marchant à présent sur le toit d'une bicoque abandonnée à proximité du port. Une fois arrivée au bout, elle se pencha en avant et aperçut une fenêtre ouverte lui proposer un abri de fortune, une cachette temporaire dont la demoiselle s'appropria aussitôt le droit de séjour, histoire de s'accorder du repos et ce en sûreté. D'une pirouette gracieuse depuis la gouttière, elle traversa l'ouverture les pieds en avant ; cependant l'immense bruit de fracas qui suivit, une fois ses jambes passées dans le cadre de la fenêtre, lui fit comprendre qu'elle n'était pas si ouverte que cela en fin de compte. C'est donc avec une "discrétion" notable que Catwoman fit son apparition. Et manque de bol une fois encore, la baraque choisie était déjà occupée, et pas par n'importe quel locataire puisque, outre une bande de clowns minables qui semblaient tous s'être échappés d'une fête costumée et un corps étendu au sol, le propriétaire actuel des lieux n'était autre que le Joker dressé au beau milieu de la pièce, du haut de son complet coloré et de son maquillage négligé, l'éternel sourire de l'ange découpé dans la chair de son visage. Son sourire paraissait très partagé, à la fois enjoué et déçu, peut-être ne s'attendait-il pas à ce genre de visites impromptues et pour les moins fracassantes. Accroupie devant sa fenêtre brisée, les morceaux de verre éparpillés autour d'elle, Catwoman balaya la scène du regard en lâchant un petit miaulement contrarié.

"Mmh, mauvaise chatière..."

La jeune femme se redressa, se courbant pour vérifier si ses talons n'avaient pas été trop abimés après avoir traversé la vitre qui lui faisait obstacle. Décidément, on aurait pu croire qu'éclater les fenêtres était devenu son hobby depuis celle par laquelle son patron l'avait poussé. Elle dévisagea un instant la mauvaise troupe peinturlurée avant de se diriger vers le chef malicieux, lequel se pourléchait les lèvres à n'en plus finir, progressant avec une sensualité naturelle dans sa démarche. Bien qu'ils ne réagirent pas sur coup, le regard sans doute trop attardé sur les reflets de sa tenue, ou plutôt les courbes qu'elle dessinait, les clowns de main finirent par l'encercler une fois la conscience acquise qu'elle était avant tout une intruse, aussi agréable à regarder pouvait-elle être. La minette stoppa alors son avancée et prit la parole d'une voix doucereuse afin de calmer les brutes alentours :

"Du calme messieurs, je ne suis pas venue chercher la bagarre, il me fallait seulement un endroit où me cacher. Je ne savais pas qu'il s'agissait de votre garçonnière, vous m'en voyez désolée, surtout pour la vitre."

Après trois semaines loin de son clown, Harley ne tenait plus : elle devait le retrouver. Au lieu d’annoncer la nouvelle à Ivy et se voir sermonner pendant de longues heures, la jeune femme avait décidé de le rejoindre en cachette. La discrétion n’était pas son fort, hélas. Mais, tant bien que mal, elle profita du jardinage quotidien de la belle Empoisonneuse pour filer à l’anglaise. Kelly devait être elle aussi affairée quelque part dans leur appartement, mais Harley espérait que celle-ci ne l’avait pas repérée. De toute façon, Ivy se douterait tout de suite de la destination de son amie. Elle n’était pas stupide et l’affection de Harley pour le Joker tout à fait prévisible. L’arlequine espérait qu’elle ne lui en voudrait pas trop : l’amour est une très bonne excuse pour l’évasion, même quand celui qu’on aime est un psychopathe instable et violent. Ivy, si elle ne comprenait pas Harley, lui passait toutes ses folies, même les plus masochistes. Une vraie maman poule. Prise soudainement de remords par anticipation, l’arlequine rédigea un mot pour sa meilleure amie :

«Les filles
Il me manque trop. Je sens qu’il a besoin de moi.
Je reviens vous voir dans pas longtemps, promis !
Bises
Harley »

Laissant le mot sur la table de la cuisine, elle soupira avant de franchir la porte d’entrée. Une fois en dehors de la bâtisse recouverte de verdure, Harley partit d’un pas joyeux en direction de la planque de son biquet. Comme l’air lui paraissait doux, comme la nuit semblait belle ! L’arlequine se sentait pousser des ailes à la pensée de se retrouver bientôt près du Joker. Elle espéra qu’il ne serait pas de sortie ce soir-là. Harley chassa cette idée et le pessimisme qu’elle impliquait. Le pauvre clown devait être triste, seul, et contempler avec une larme de les yeux la photo de Harley disposée sur son bureau. Ivy lui avait un jour suggéré qu’il retirait la dite photo quand elle n’était pas dans la pièce, mais la jeune femme refusait d’y croire. Il la cachait peut-être à ses sbires pour ne pas paraître fleur bleue, mais Harley était persuadée qu’il lui arrivait de la contempler avec ne serait-ce qu’une once de tendresse. Elle ne pourrait jamais le prouver, bien sûr. Les rues quasiment désertes la laissèrent seule avec ses pensées. L’arlequine n’aurait de toute façon pas perdu de temps à discuter avec des gens. Enfin, Harley arriva au repère du Joker, dont peu de gens vivants connaissait l’emplacement. A pas de loup, elle contourna le bâtiment faiblement éclairé et marcha jusqu’à la porte de derrière. Elle voyait de la lumière à l’intérieur : il était là ! Mais, un coup de feu lui indiqua qu’il n’était pas seul. Encore qu’il lui arrivait de tire en l’air juste pour s’amuser. Elle se plaqua contre la porte, écouta ce qu’il se passait à l’intérieur. Encore des coups de feu….La voix de Joker grrrr !.....Des coups de feu…..Un bruit de verre brisé….Une voix de femme….. QUOI ??? Qui était-elle et que faisait-elle là ?? Harley, ne tenant plus, ouvrit la porte avec fracas et se précipita vers le lieu de l’action. Joker était là, son pistolet à la main, quelques clowns morts étaient dispersés autour de lui, et en face de lui : Catwoman. L’arlequine l’avait déjà croisée mais ne la connaissait pas vraiment. Harley ne prit pas le temps de les saluer : elle sortit son 357 Magnum et le braqua sur la femme féline :

-Que fais-tu là toi ?? Tu es son nouveau bras droit, c’est ça ???

La jeune femme pointa alors son arme sur le clown :

-Sale pourriture !! Trois petites semaines sans moi et te voilà à fricoter avec une autre femme ! Moi qui ne saurait vivre sans toi !!!